Aux origines de la prédominance du sucre et des glucides

Pourquoi malgré la montée grandissante de l’obésité aux Etats-Unis, malgré les maladies dont on a prouvé depuis longtemps le lien avec une consommation excessive de sucre, et malgré les vertus scientifiquement prouvées des matières grasses, les pouvoirs publics n’ont cessé de recommander un apport majoritaire en glucides dans l’alimentation ?

Retrouvez ce chapitre de l’alimentation idéale pour le genre humain au format PODCAST :

 

Par quel processus rhétorique a-t-on pu diaboliser à ce point les matières grasses, au point de dire d’un repas extrêmement glucidique qu’il est “gras” ?

Pourquoi diable dans la pensée commune, dit-on que les matières grasses font grossir, ou qu’elles font forcément le lit des maladies graves ?

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Enfin, pourquoi les organes officiels mettent autant de temps à mettre à jour leurs recommandations nutritionnelles, malgré les constats scientifiques répétés en faveur d’une diminution de la consommation de sucres, et plus généralement de glucides ?

Pour comprendre comment les glucides, en particulier les sucres, se sont retrouvées propulsés au premier plan de l’alimentation occidentale depuis les années 60 sans aucune prudence ni modération, il faut remonter le fil de l’histoire. Laissez-moi vous emmener dans les coulisses des lobbys du sucre et de l’industrie agro-alimentaire, au sortir de la seconde guerre mondiale…

Note : cet article constitue l’un des chapitres du Guide de l’alimentation Blooness, un guide destiné à réunir les ingrédients de l’alimentation idéale pour le genre humain.

Ces informations sont en partie tirées d’un article de Gary Taubes paru dans Mother Jones le 31 octobre 2012.

 

Aux origines du lobby du sucre, la Sugar Information Inc.

Tout commence en 1943, lorsque les producteurs et raffineurs de sucre créèrent la Sugar Research Foundation (Fondation pour la recherche sucrière), rebaptisé Sugar Association, (Association du sucre) en 1947, et qui disposait de son département de relations publiques, la “Sugar Information Inc”, crée en 1949.

L’objectif de cette association était de protéger les intérêts de l’industrie du sucre contre les premières recherches scientifiques au sujet du sucre, qui concluaient sur la dangerosité probable de ce dernier.

 

La bataille contre les édulcorants

L’une de leurs premières victoires est d’avoir fait interdire le cyclamate en 1970 par la Food and Drug Administration (FDA), l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments, qui a, entre autres, le mandat d’autoriser la commercialisation des médicaments sur le territoire des États-Unis.

Le cyclamate est un édulcorant 30 à 40 fois plus sucrant que le sucre, mais surtout beaucoup moins cher que le sucre. Or, entre 1963 et 1968, les sodas “light”, dont certains étaient composés de cyclamates, connurent un succès grandissant, mettant à mal l’industrie du sucre.

Dans sa guerre contre les édulcorants, l’industrie du sucre consacra 600 000 dollars (4 millions de dollars actuels) pour dénoncer les effets négatifs des édulcorants de synthèse. L’opération fut un succès pour l’Association du sucre, puisque le cyclamate fut interdit par la FDA.

 

Le lien entre sucre et diabète en ligne de mire

Dans les années 70, le lien entre diabète de type 2 et consommation excessive de sucres commençait à devenir évident. Des recherches menées par l’USDA, le Département de l’Agriculture des États-Unis, montraient qu’un excès de sucre entraînait une forte augmentation de la maladie, tandis qu’un certain George Campbell, physicien sud-africain en charge d’une clinique spécialisée dans le traitement du diabète à Durban, avança qu’une consommation supérieure à 35 kg par personne par an – on en consomme le double actuellement aux Etats-Unis – suffisait à déclencher une épidémie de diabète.

Le même George Campbell constata toujours dans la ville de Durban en Afrique du Sud que les maladies coronariennes, l’hypertension et la maladie de la vésicule biliaire étaient très fréquents dans la population blanche locale mais quasiment inexistants chez les Zoulous vivant dans les zones rurales. En 1956, il s’envola pour Philadelphie où il exerça pendant un an et découvrit que les maladies dans les populations noires locales étaient pratiquement identiques à celles observées chez les Blancs en Afrique du Sud, ce qui écartait tout facteur génétique.

D’autres scientifiques furent des constats épidémiologiques et statistiques du même acabit. En Israël, Aharon Cohen, spécialiste du diabète, constata que sur 5 000 immigrants venus du Yémen en 1949, il n’y avait que 3 cas de diabète. En revanche, chez les Yéménites arrivés environ 20 ans plus tôt, l’incidence du diabète était près de 50 fois supérieure.

Cohen conclut que la consommation beaucoup plus importante de sucre chez ceux qui s’étaient déjà installés en Israël était le facteur critique responsable de la différence de niveaux de maladie.

Enfin, le professeur John Yudkin de l’Université Queen Elizabeth College mit en cause le sucre dans la survenue de maladies cardiovasculaires, dans son ouvrage Pure, White and Deadly, qui ne manqua pas de déclencher l’hilarité et la colère de l’industrie du sucre.

Ce lien, qui était de plus en plus mis en exergue à l’époque, poussa la Sugar Research Foundation (RSF), renommée International Sugar Research Foundation (ISRF) en 1967, à se réunir en cellule de crise en 1975 à Montréal. “Les ventes chutent”, déclara alors John Tatem Jr, président de l’ISRF, devant les ténors de l’industrie, à cause du “lien entre le sucre et certaines maladies”.

C’est alors qu’allait commencer l’une des plus vastes campagnes de lobbying et de trucage d’études scientifiques. L’objectif était de trouver un coupable, et de rejeter la faute sur lui. Ce coupable allait être le gras.

Entre 1975 et 1980, l’ISRF consacra environ 655 000 dollars au financement d’études destinées à “s’assurer que la recherche reste un soutien essentiel à la défense de l’industrie”, comme il est écrit dans les notes internes. La méthode était extrêmement bien huilée. Chaque proposition d’étude était examinée par des comités constitués de personnes proches du secteur, notamment des représentants d’entreprises liées au sucre tels que Coca-Cola ou Hershey’s.

Evidemment, l’argent allait à des études orientées en faveur du sucre, jusqu’à certaines qui allèrent jusqu’à démontrer sa valeur thérapeutique dans le traitement de la dépression.

L’objectif était de “montrer l’innocuité du sucre”. Et pour ce faire, l’ISRF créa un comité financé à hauteur de 60 000 dollars par an (soit 220 000 dollars actuels), composé de médecins et dentistes, chargés de défendre l’idée que le sucre a sa place dans un régime alimentaire sain.

C’est alors qu’un célèbre nutritionniste allait leur faciliter la tâche, en désignant un coupable idéal lié aux maladies cardiovasculaires…

Chapitre suivant : Ancel Keys, le nutritionniste à l’origine de la chasse au gras

Une réponse

  1. Bonjour! Vos articles et podcasts sont très intéressants! Je vous remercie pour cet enrichissement. A quand la suite ?

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